Question d’actualité au gouvernement n° 2224G
publiée dans le JO Sénat du 13/01/2022
M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées du groupe UC.)
Mme Vanina Paoli-Gagin. Madame la ministre chargée de l’industrie, le ministre de la santé vient de répondre au volet santé publique de ma question, qui concerne également la filière CBD. Pour cette dernière, l’année 2022 a commencé sous de sombres auspices, l’arrêté gouvernemental publié le 31 décembre interdisant « la vente aux consommateurs de fleurs ou de feuilles brutes sous toutes leurs formes, seules ou en mélange avec d’autres ingrédients ».
Comme cela a été évoqué, le CBD a pourtant permis des avancées. Cette mesure représente un coup d’arrêt brutal pour tout un écosystème, où se croisent, comme dans mon département de l’Aube, grands producteurs de chanvre, petits paysans ayant diversifié leur production et jeunes entrepreneurs prenant des risques pour ouvrir leur boutique.
Ce marché représente 1 milliard d’euros, des millions de consommateurs et des milliers d’emplois, comme le rappelait mon collègue. Ces Français ne sont pas « accros » au CBD « bien-être ». Ce n’est pas parce qu’ils boivent une tisane au CBD le soir qu’ils vont devenir des junkies ! L’argument sanitaire peine donc à convaincre.
La consommation d’anxiolytiques, qui a explosé avec la crise sanitaire, concerne plus d’un Français sur quatre. Voilà sans doute un vrai sujet de santé publique, qui mérite l’attention.
La position de la Cour de justice de l’Union européenne était pourtant très claire et s’alignait sur la doctrine de l’OMS (Organisation mondiale de la santé). Avec un taux de THC inférieur à 0,3 %, le CBD n’est pas un stupéfiant.
Une régulation était nécessaire, mais d’autres moyens existaient. Pourquoi ne pas avoir renforcé le processus de contrôle des producteurs ? Comme c’est le cas dans l’Aube, les chanvriers, soumis à un haut niveau d’exigence, prouvent que c’est possible.
La France reste le premier producteur européen, mais le feuilleton juridique français continue. Pendant ce temps, nos voisins européens accélèrent. Nous serons bientôt inondés de produits issus de pays où l’on ne devise pas sur les feuilles et sur les fleurs, comme nous seuls en avons le grand art.
Madame la ministre, quelle est votre stratégie pour soutenir l’écosystème après l’envoi de ce drôle de signal ? (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et GEST, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Mmes Marie-Arlette Carlotti et Angèle Préville applaudissent également.)
Réponse du Ministère auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance – Industrie
publiée dans le JO Sénat du 13/01/2022 – page 323
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. Madame la sénatrice Vanina Paoli-Gagin, à la suite d’une décision de la Cour de justice de l’Union européenne, les autorités françaises ont révisé la réglementation applicable à la culture, l’importation et l’utilisation du chanvre par un arrêté signé le 30 décembre 2021 et publié le 31.
Si ce nouveau cadre réglementaire maintient un haut niveau de protection des consommateurs et préserve notre politique ambitieuse de lutte contre les trafics de stupéfiants, comme l’a très bien expliqué M. Véran, il permet également de sécuriser le développement économique de nouvelles activités liées à la culture, à la production et à la commercialisation de produits qui intègrent du chanvre.
Cet arrêté est donc une chance pour la filière, qui est aujourd’hui la première en Europe et qui dispose de grands donneurs d’ordre intéressés par ses produits, par exemple dans la cosmétique ou dans l’agroalimentaire. Ce marché représente 700 millions d’euros et 15 000 emplois.
L’interdiction que vous mentionnez ne porte que sur les fleurs et les feuilles, qui ne peuvent être récoltées, importées et utilisées que pour une production industrielle. Elle est justifiée et je ne reviendrai pas sur les arguments développés par le ministre de la santé.
Le CBD est un produit psychoactif. Dans les feuilles et les fleurs, bien malin celui qui peut mesurer au premier coup d’œil le taux de THC, qui a d’ailleurs tendance à y être davantage concentré !
Cette réglementation a été décidée pour des raisons de protection du consommateur et de lutte contre les stupéfiants. Je précise que la Commission européenne l’a validée. Il n’y a donc pas de « retour en arrière » par rapport à la décision de la Cour de justice de l’Union européenne.
Enfin, que se passe-t-il quant à la concurrence d’autres pays ? Nous sommes favorables à une réglementation commune à l’ensemble des pays européens, qui permettrait de répondre à votre préoccupation légitime. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)